Étude sur la prière dans l’islam

 

Cairn-info

 

Les études sur l’islam en France se sont essentiellement déployées autour de thématiques qui ont laissé dans l’ombre la pratique cultuelle ordinaire. En effet, la recherche, dominée par les sciences politiques et, dans une moindre mesure, par l’histoire et la sociologie, s’est largement concentrée sur l’analyse d’un courant spécifique et minoritaire, le wahhabisme, en oubliant de s’intéresser aux courants majoritaires, à la diversité des pratiques et à la façon dont celles-ci s’articulent avec le quotidien. Une réelle connaissance des façons de vivre et de pratiquer l’islam en France, encore bien trop lacunaire, est aujourd’hui d’autant plus importante que les stéréotypes concernant les musulmans se sont multipliés et aggravés. À partir d’ethnographies des interactions quotidiennes saisies dans diverses situations, où le fait de « pratiquer l’islam » entre en jeu (depuis l’exercice de la prière à la question de la conversion, en passant par le regard des travailleurs sociaux ou celui des femmes), ce numéro propose d’aborder, d’un point de vue anthropologique, les cultures musulmanes françaises et d’ouvrir ainsi le champ à de nouvelles recherches sur les pratiques et les vécus de l’islam ordinaire.

 

 

Comment prient les musulmans français

Source : « Sciences humaines » – n° 300 – Février 2018 – Justine Canonne

 

Pourtant nombreuses, les études sur l’islam abordent néanmoins peu la pratique religieuse quotidienne. C’est ce qu’a voulu faire Marie-Laure Boursin, chercheure à l’IEP-Aix-en-Provence, en s’attachant à la façon dont les musulmans prient en France. Quels sont leurs gestes et postures durant la prière ? Quelle signification recouvre cet instant ? L’étude a porté en particulier sur des croyants d’origine maghrébine ou comorienne à Marseille et à Bourges. Pour eux, la prière est d’abord une façon de « prendre contact » avec Dieu. Si l’efficacité de la prière canonique, la salat, dépend de sa bonne exécution, diverses manières de faire sont observables dans la gestuelle ou les postures corporelles. Une jeune convertie d’une vingtaine d’années expliquait ainsi bouger son index de façon circulaire au moment de la récitation de la shahada, jusqu’au moment où elle a lu dans un ouvrage qu’il fallait effectuer un mouvement de haut en bas. Une autre croyante souligne qu’il lui a fallu du temps pour mémoriser le déroulement et les bons gestes et que ce n’est qu’après qu’elle a pu « être pleinement à sa prière ». Contrairement à l’idée selon laquelle le culte ne serait pas mixte, M.L. Boursin constate que cette division sexuée ne prévaut pas dans le cadre familial. Au domicile, la prière peut être collective, dans le salon, ou individuelle, dans une chambre par exemple. Certains membres de la famille prient dans le salon pendant qu’un autre regarde la télévision. À l’inverse de la mosquée, le domicile permet certains accommodements vestimentaires : on peut choisir une tenue d’intérieur confortable, même si on la sait non « adéquate ». Pour la chercheure, au-delà des appartenances culturelles, à l’origine de pratiques plurielles, les différences sont aussi le reflet de formes multiples d’expérimentation du croire.

 

Islam en France Pratiques et vécus du quotidien