Le passage du patriarcat traditionnel au patriarcat moderne
Éric Macé, Seuil, 2015, La Couleur des idées – 180 pages – 18.00 € TTC
En dépit d’un égalitarisme revendiqué entre les hommes et les femmes, nous ne cessons de fabriquer collectivement des inégalités de genre : carrières, salaires, charges parentales et domestiques, etc. Faut-il voir dans les discriminations et les formes insidieuses de subordination la persistance d’une domination masculine patriarcale souvent décrite comme une matrice anthropologique si puissante que sa critique, aussi radicale soit-elle, n’y peut rien changer ?
Dans cet ouvrage, Éric Macé propose un autre cadre d’analyse. Il réinscrit les rapports de genre dans leurs contextes historiques et sociaux pour montrer comment, aujourd’hui, la tension entre un principe d’égalité partagé et la fabrique collective d’inégalités exprime les ambivalences d’un « arrangement de genre » instable et provisoire : celui de l’après-patriarcat, issu des transformations successives du patriarcat et de ses contradictions internes.
Dès lors, il devient possible de résoudre le paradoxe de l’égalitarisme inégalitaire des sociétés occidentales, mais aussi de comprendre les formes composites d’arrangement observées ailleurs dans le monde.
Professeur de sociologie à l’Université de Bordeaux, Éric Macé a notamment publié Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations (avec François Dubet, Seuil, 2013), et Les Féministes et le Garçon arabe (avec Nacira Guénif, L’Aube, 2004)
En tant que rapport social, différent donc de la sexuation (processus biologique qui dote chaque être humain d’un sexe), le genre n’en finit plus de faire débat.
Dans ce petit essai incisif, Éric Macé ouvre à nouveau le dossier en se demandant pourquoi dans nos sociétés, qui ne cessent de promouvoir l’égalité en droit des hommes et des femmes, il demeure de fait de si amples inégalités de genre. La thèse défendue est que, en Europe, nous avons vécu deux moments historiques qui ont marqué durablement les arrangements de sexe : le patriarcat traditionnel et le patriarcat moderne. Tandis que le premier assoit les rapports de pouvoir entre hommes et femmes sur un ordre symbolique qui légitime les différences à partir d’arguments religieux, le second recourt à une rhétorique de la science (portée par la médecine, la biologie…) pour justifier l’asymétrie nécessaire et légitime du masculin et du féminin.
Nous sommes aujourd’hui entrés dans une période nouvelle dont la caractéristique majeure est l’ambivalence.
D’un côté, nous en avons fini avec les convictions scientistes d’hier pour mieux adopter le principe de l’égalité de genre. De l’autre, il demeure de nombreuses tensions subjectives et collectives qui, en raison d’un différentialisme culturel persistant et d’une organisation sociale toujours héritière des principes patriarcaux d’hier, se traduisent par des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes.