Il ne faut pas montrer seulement ce qui ne va pas, parce que ce n’est pas la réalité
Auteur d’un livre coécrit avec Nicolas Hulot et intitulé D’un Monde à l’autre (Fayard), le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir estime que dépeindre un monde trop anxiogène sans valoriser les actions positives contribue à alimenter la défiance, les fractures sociales et la perte du sens de l’intérêt général.
En quoi l’information serait-elle trop anxiogène ?
Je prône un usage mesuré de l’information et une information qui n’hésite pas à montrer que la réalité du monde est complexe.
Il ne faut pas montrer seulement ce qui ne va pas, parce que ce n’est pas la réalité. Il y a aussi des gens qui vont bien, d’autres qui accomplissent des actions fructueuses.
A diffuser en boucle des images factuelles de ce qui ne va pas, on crée un climat anxiogène au lieu de donner des éléments d’analyse, de discernement. C’est destructeur pour les sociétés et ça rend la vie sociale plus compliquée.
Comment s’y prendre pour donner l’envie de s’engager et d’apporter sa pierre à la reconstruction ?
Sur la crise du coronavirus par exemple, de mon point de vue les médias ne sont pas là pour rapporter seulement le nombre de morts et de patients en réanimation, pour recueillir les témoignages des soignants et des victimes. Leur rôle, comme celui du monde enseignant, est de relativiser, de comparer, de prendre du recul historique et de donner des perspectives. C’est une pandémie qui fait infiniment moins de morts que le tabac, l’alcool, les famines dans le monde. La société a besoin de relativiser, de remettre en perspective, de comparer, de prendre du recul historique.
Pourquoi le citoyen ne tolère-t-il plus en 2020 ce qui était acceptable avant ?
Notre rapport à la mort a changé depuis, les mentalités aussi. Le principe de précaution est appliqué jusqu’à l’absurdité. La vie implique des risques, des paramètres aléatoires. Il faut accepter de vivre dans l’incertitude, l’imprévisible, des dangers.
Le fait d’avoir interdit les visites aux proches dans les Ehpad et aux personnes en fin de vie est un vrai scandale.
Cela pose une question : la précaution sanitaire est-elle la valeur suprême ? Si on répond oui, on va imposer des privations de libertés comme l’a fait l’Amérique dans les années Bush après les attaques terroristes de 2001. Au nom d’une précaution sécuritaire ou sanitaire, les Etats peuvent aller trop loin dans la restriction des libertés. On doit préférer et accepter un risque modéré.
Quel est l’impact de ce climat de peur ?
Quand ça devient anxiogène, on accuse l’Etat et c’est encore plus fort en France où on attend de l’Etat providentiel une résolution de tous les problèmes. C’est bien que l’Etat prenne des dispositions. On ne peut pas compter uniquement sur les institutions et sur les dirigeants pour répondre aux défis du présent et de l’avenir.
Les démocraties modernes ont besoin d’une société civile dynamique, d’un engagement vigoureux des citoyens à titre individuel ou collectif. Ce dynamisme permet d’obtenir des résultats et aussi de recréer de la confiance et de l’optimisme au lieu du repli et de la protestation.
Aux fractures culturelles, religieuses, économiques, sociales, s’ajoute en France une mentalité corporatiste que n’ont pas les pays d’Europe du nord qui privilégient l’intérêt général.
La France des Solutions est de ce point de vue un outil capable de réapprendre que l’Etat n’est pas le seul à créer du savoir être et du savoir vivre ensemble.
Ces exemples qui redonnent de l’espoir
La planète a trop chaud, les sociétés se fracturent, la défiance envers les dirigeants augmente, l’actualité est ballottée dans un tourbillon anxiogène et continu… Et si la solution, c’était chacun d’entre nous ?
Les contributions pour agir contre les grands problèmes de la planète et les petits tracas du quotidien existent. Elles sont sous nos yeux sans que nous les remarquions forcément : des citoyens, des entreprises, des collectivités locales, des associations proposent et agissent pour répondre à ces défis économiques, écologiques ou de société…
Une imprimerie 3D qui redonne vie à des objets au lieu de les jeter ; des enseignants qui parcourent les entreprises des métiers de l’environnement pour donner envie aux décrocheurs scolaires ; la filière textile des Vosges qui crée un label pour promouvoir la qualité et maintenir des emplois en France ; une infirmière anesthésiste qui finance l’achat de doudous par du recyclage de matériel médical…
Les actions exemplaires, les solutions astucieuses foisonnent sur tous les territoires.
Nous les mettons en valeur dans nos différentes éditions. Ce soir à 21h, sur Facebook et sur les antennes de Radio France, lors d’une émission inédite autour du philosophe Frédéric Lenoir et de plusieurs personnalités du monde de l’entreprise, des médias, de la recherche, les acteurs de solutions solidaires et durables témoigneront.
Initiée par l’association Reporters d’Espoirs, la journée des solutions, ce lundi 12 octobre, met en valeur ces héros discrets du quotidien qui innovent, inventent, investissent leur énergie, leur temps, leur savoir-faire pour faire avancer la société.
Tout au long de la journée, de nombreux médias français, parmi lesquels votre journal, se mobilisent pour mettre en valeur ces initiatives qui nous donnent des raisons d’espérer, des envies de s’engager un peu plus pour éclaircir la grisaille du quotidien et préparer un avenir plus solidaire. Par les temps très chauds et les virus qui courent, ça fait du bien.
Source : DNA du 12 oct 2020