Lutter contre le communautarisme

C’est inventer de la coexistence

Un article sur un match de foot interreligieux et quelques lignes de réactions négatives dans la presse nous donnent l’occasion d’approfondir nos convictions quant au sens de l’heure de religion dans les écoles publiques alsaciennes.

Quelques lignes dans le courrier des lecteurs des DNA du 26 octobre 2021 attirent notre attention.

Pas de quoi déclencher une énième guéguerre des tranchées entre les tenants d’une laïcité pure et dure et ceux qui seraient antirépublicains parce que « confessionnels » selon le droit local en vigueur en Alsace-Moselle.

Cette petite lecture de texte permettra à ceux qui auraient pu passer à côté du courrier de Thibaut Vinci de le relire à tête reposée et de revisiter, si nécessaire, l’article du 25 octobre dernier.

Titre

Commençons par le début : Le titre. Il est certainement venu chapeauter le texte par après et sous la responsabilité des journalistes. Dire qu’il s’agit d’une « position républicaine » c’est déjà considérer que ceux qui sont visés par l’article sont antirépublicains. Souvent ces raccourcis sont inconscients mais tout lecteur doit apprendre à les dénicher pour ne pas tomber dans un manichéisme primaire.

Nous sommes des enseignants, mais également des éducateurs au sein de l’Éducation nationale, et notre devoir est de participer au développement de l’esprit critique de tous les élèves. Cela commence par des détails aussi basiques que ça.

République

D’après Monsieur Vinci, la République se suffit à elle-même pour être garante du bien vivre ensemble. Et je suis totalement d’accord avec lui. La République est le mode d’organisation de notre pays dans lequel le pouvoir est exercé par des représentants de la population. Alors, d’une part, la République française donne à chacun la possibilité d’être lui-même au grand jour, dans les villes, dans les campagnes, dans les rues et sur les terrains de foot… Et, d’autre part, la République vérifie, rectifie et, si nécessaire, sanctionne celles et ceux qui outrepassent leurs droits et oublient leurs devoirs.

Monsieur Vinci voudrait-il une République où tout le monde pense pareil ?

La République française donne à chacun la liberté d’exprimer ses convictions ou de les taire, de croire ou de ne pas croire, de danser, de chanter, de courir après un ballon rond, ovale, une balle, une boule carrée pourquoi pas… dans le respect de la loi et sans troubler l’ordre public.

Intégriste

Je voudrais rassurer Monsieur Vinci qui s’inquiète. Non, vous n’êtes pas les seuls, vous les Radicaux de gauche que vous représentez en Alsace, à croire en une république laïque. J’ai des amis de toutes les confessions, des amis athées, agnostiques… qui sont tout aussi laïcs que vous et moi. La laïcité est un principe applicable par tous ceux qui ne partagent pas forcément les mêmes convictions et qui ordonnent les valeurs sur des échelles différentes.

La laïcité, c’est le trésor que nous offre notre République pour vivre ensemble dans l’estime des différences. Autour d’une table, nous allons apprendre les uns des autres et partager nos réalités. Autour d’un projet, nous allons construire du commun et de l’avenir. Autour d’un ballon, nous allons apprendre à sortir des stéréotypes avant qu’ils ne deviennent des préjugés et ne tombent dans la discrimination.

Le sport donne au sportif sur le terrain et dans les tribunes la possibilité de revendiquer son appartenance à une équipe, un club, une ville, une nation… Au final, il participe à la lutte contre le communautarisme. Ceci naturellement, quand les valeurs du sport sont respectées.

L’enseignement de la religion dans les écoles en Alsace ouvre à chacun un espace pour revendiquer sa foi, ses mythes, ses rites, ses fêtes, ses traditions… d’en comprendre le sens afin qu’il ne soit jamais dévoyé. Mais aussi de découvrir la réalité religieuse des autres. C’est ce que nous appelons l’éducation au dialogue interconvictionnel. Une démarche pédagogique développée dans les cours de religion au collège et au lycée que nous revendiquons sans rougir. Une pédagogie qui n’a d’ailleurs rien d’inédit au regard de ce qui se passe dans de nombreux endroits du monde mais qui, au nom d’une laïcité intégriste, apparaît sulfureuse aux Français qui continuent à diviser la France en deux camps.

Choix

Maintenant, je peux comprendre l’exaspération de Monsieur Vinci. À force de camper sur ses positions et creuser des fossés idéologiques on s’éloigne des autres. Et l’étrange devient l’étranger sans pour autant qu’il vienne de loin.

De mon côté, je veux continuer à faire le choix d’une démarche opposée et j’irai soutenir toutes les équipes qu’elles soient de foot ou d’autres choses quand elles inventent de la coexistence, quand elles créent du rapprochement, quand elles entremêlent du sens, quand elles ravaudent le moindre tissu social qui ne tient plus parfois qu’à un fil.

Le courrier de Thibaut Vinci vise des cibles qui sont les siennes et celles de son mouvement politique. Il tacle à gauche, il tacle à droite, il va jusqu’à tacler les USA. Ses propos échappent à mon entendement et je ne me permettrai pas de les commenter. Il me reste à le remercier de m’avoir donné à penser tout haut et sans complexe.

Pierre-Michel Gambarelli – 02 novembre 2021 


Une prise de position républicaine

Thibaut VINCI, président du PRG Alsace et secrétaire national à la citoyenneté :

« Suite à l’organisation d’un match interreligieux ce week-end dans le quartier de la Meinau ( DNA du 25 octobre 2021) , nous avons décidé de réaffirmer nos valeurs laïques et républicaines.

Nous tenions à rappeler que la République se suffit à elle-même en tant que garante du bien vivre ensemble justement.

Nous avons donc, avec les radicaux de gauche locaux, voulu souligner l’absurdité de l’organisation de ce match interreligieux qui ne sert qu’à certains de coup de communication et ne fait qu’exacerber les choses sous couvert de bienveillance et d’un bon moment.

Le fait d’avoir dit tout haut ce qu’une majorité silencieuse pense tout bas, nous a valu (au PRG Alsace et à moi-même) les foudres de certains acteurs d’un microcosme plus adepte de l’entre-soi que de l’action concrète sur le terrain (pas de foot).

Mais nous en voulons surtout aux acteurs politiques locaux, à une droite qui souffle le chaud et le froid sans aucune cohérence.

Une droite qui un jour est capable d’être dans le buzz par rapport à l’affaire de la grande mosquée et parallèlement va se montrer avec les communautés à la moindre occasion par pur électoralisme.

Et puis on a une gauche silencieuse comme d’habitude qui ne souhaite pas se mouiller.

Alors oui, nous assumons de défendre notre vision de société laïque et inclusive quitte à être seuls contre tous dans ce microcosme politique.

Oui, les religions n’ont rien à faire à l’école ou dans le sport mais chacun est libre de pratiquer sa confession librement en privé !

Oui, les radicaux sont peut-être les derniers à vraiment défendre encore cette République avec conviction et détermination mais il n’empêche que je suis inquiet et triste de l’évolution des choses.

Notre société s’américanise et perd jour après jour ses valeurs.

L’ironie de l’histoire, c’est se faire traiter d’intégristes alors que nous le combattons (l’intégrisme) justement par nos prises de position depuis toujours. »