Bonne rentrée scolaire à tous

Une centaine de professeurs de religion font également leur rentrée dans les collèges et lycées d’Alsace

Comme tous les autres profs, Nathalie Hirtzlin retrouve (ou découvre) son établissement, son emploi du temps, ses collègues et ses élèves. Une des particularités de ces profs comme les autres, mais pas tout à fait, repose sur le choix que font les élèves et leurs parents de participer, ou pas, à leur cours… Un combat de tous les jours… Témoignage…

« Avant chaque rentrée, je me demande combien j’aurai d’élèves. J’avais la boule au ventre cette année encore », confie Nathalie Hirtzlin, professeur de religion certifiée au collège de la Largue depuis 2003. « Quand j’ai appris le nombre de mes effectifs, j’ai eu une belle surprise. » 76 % des élèves du collège de la Largue à Seppois-le-Bas suivent les cours de religion de Nathalie Hirtzlin. Ce qui est un très bon taux au regard de la moyenne régionale (60 %).


Il faut croire que la pétillante enseignante a su fédérer les jeunes autour de cette matière dont la simple évocation du nom suffit souvent à faire soupirer les premiers de la classe. L’interprétation très personnelle qu’en donne Nathalie Hirtzlin réconcilierait sans doute les plus récalcitrants avec cette discipline… « Le mot religion vient du latin religare qui signifie ‘‘relier’’. Pour représenter ce lien, j’utilise des scoubidous que j’accroche partout dans la classe. Ce sont les élèves qui les fabriquent. Les scoubidous sont le symbole de mon cours. » Le ton est donné.

« La religion n’est pas une option »

Dans sa classe aux décors multicolores et pluriconfessionnels, les objets de culte sont en bonne place : ici un calendrier interreligieux, là des chapelets chrétien et musulman, une toupie de hanouka. Sur une étagère, il y a la Torah, le Coran et la Bible. Au mur, le règlement intérieur, le temple de Jérusalem, une frise chronologique, des cartes géographiques, les dix commandements… et la charte de la laïcité. « J’aborde la matière de façon laïque. Notre discipline souffre d’un manque de reconnaissance. Pourtant, nous avons les mêmes devoirs vis-à-vis de l’institution, les mêmes engagements par rapport à nos élèves. »

Ce manque de reconnaissance se traduit par deux chiffres. D’abord le nombre d’heures hebdomadaires enseignées par Nathalie Hirtzlin : « J’ai quinze heures de cours par semaine. Il y a trois ans, j’avais encore un temps complet. Les heures diminuent. C’est lié aux contraintes budgétaires qui touchent aussi les autres matières. » Ensuite, le taux de dispense : 24 % des élèves seppoisiens sont exemptés de cours de religion, un taux qui reste bas cependant au regard d’autres établissements publics scolaires, mais qui rappelle que la dispense est de droit pour toutes les familles qui la demandent. À Seppois-le-Bas comme ailleurs, leur enfant n’est pas inscrit automatiquement en début d’année. Elles doivent remplir un formulaire d’inscription. « Il suffit qu’un élève ne vienne pas pour que plusieurs suivent, ça fait boule de neige. La religion est considérée comme une option alors que ça n’en est pas une ! Si je ne les intéresse pas en cours, les élèves s’en vont et je n’ai aucun recours. C’est difficile à vivre humainement. »

Quelles sont les raisons de cette désaffection ? Pour Nathalie Hirtzlin, pas de doute : « Dans la tête des gens, on fait de la catéchèse… Mais pas du tout ! Des parents me demandent si leur enfant peut suivre le cours même s’il n’est pas baptisé. Et des élèves me disent qu’ils ne croient pas en Dieu. Mais ce n’est pas mon problème. Je ne demande pas aux élèves leur confession, tout comme je n’exprime pas la mienne. »

Certes, Noël, le carême, Pâques… ces fêtes catholiques rythment l’année scolaire. « Je fais le lien entre elles et toutes les autres : le ramadan chez les musulmans, Hanouka chez les juifs… Je travaille vraiment sur les trois grandes religions monothéistes », souligne Nathalie Hirtzlin.

« 80 % des œuvres d’art sont des œuvres religieuses »

Elle considère son cours avant tout comme de l’éveil culturel. « 80 % des œuvres d’art sont des œuvres religieuses. Je donne à mes élèves des clés pour comprendre les couleurs, les attributs, la taille des personnages, leur position. C’est de la culture artistique ! » Avant la Toussaint, ses élèves de 6e savaient reconnaître dans l’art le roi David représenté avec la couronne, la harpe ou le psaltérion. Et après les vacances, elle leur a demandé de réaliser leur enluminure, avec les lettres de leur prénom. « Quand je travaille sur l’architecture romane, pour moi c’est évident que je dois emmener mes élèves à l’église Saint-Jacques de Feldbach. Là ça prend sens. Dans le Sundgau, on est imprégné par cet héritage, on ne peut pas faire l’impasse. On visitera aussi une synagogue, un temple et une mosquée à Mulhouse. Cette année, comme tous les trois ans, j’emmènerai les élèves de 3e à Rome. Si j’ai un combat à mener, c’est de les ouvrir à la culture. Dans les concours, c’est dans ce domaine qu’on peut faire la différence. »

L’enseignante anime aussi l’atelier théâtre du collège et participe à des actions caritatives. Une année, elle a accompagné l’une de ses élèves à Paris, pour participer à la dictée d’ELA contre les leucodystrophies au milieu d’une pléiade de vedettes… « Elle n’avait jamais pris le train. Elle est revenue avec un carnet plein d’autographes… C’était une chance de partager ça avec elle. Je ne donnerai ma place à personne. »

Dans le contexte post-attentats que nous connaissons en France, elle fait face, comme l’ensemble de l’équipe enseignante, aux questionnements des élèves. « Ils ont peur de cette violence qu’on voit partout. » Sa mission est de « travailler sur le vivre ensemble », dit-elle. « Mon propos n’est évidemment pas de stigmatiser. Je pense que lorsqu’on connaît l’autre on en a moins peur. C’est mécanique. »

Après plus de dix ans de carrière, Nathalie Hirtzlin affirme que les élèves n’ont pas changé. Ils sont certes plus ouverts, spontanés et très préoccupés par leur choix d’orientation. « C’est surtout le contexte qui a changé, l’environnement, le discours des parents. Le corps enseignant n’incarne plus une autorité à leurs yeux. »

Source  : L’Alsace du 17 avril 2017

Nathalie Hirtzlin est professeur de religion au collège de la Largue à Seppois-le-Bas depuis quatorze ans.