Écriture inclusive

Oui ou non ? Oui et non ?

La langue française n’a jamais cessé d’évoluer depuis sa création. Le français a été volontairement complexifié et rigidifié par la bourgeoisie au XIXe siècle pour le rendre élitiste et pour « séparer les intellectuels des autres ». Avant cela, chacun écrivait comme il le souhaitait.

« Le masculin l’emporte toujours sur le féminin. » Cette règle, tout le monde la connaît, mais saviez-vous que cela n’a pas toujours été le cas?

En effet, la langue française, à la différence des langues anciennes et de certaines langues telles que l’allemand et l’anglais, ne comporte pas de genre grammatical neutre. Prenons cet exemple : Jean et ses cinq amies sont allés au parc. Le verbe « aller » est ici conjugué en fonction du genre et du nombre du sujet. Le masculin dit générique est utilisé dans cet exemple puisqu’il désigne un groupe composé d’un homme, Jean, et de femmes, soit ses cinq amies.

Danielle Omer explique dans « La fin du masculin générique? Expériences et débats autour de l’écriture inclusive » (2020) que la féminisation des noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions font scandale auprès de l’Académie française.

La langue française en continuelle évolution

La langue française n’a d’ailleurs jamais cessé d’évoluer depuis sa création. Le français a été volontairement complexifié et rigidifié par la bourgeoisie au XIXe siècle pour le rendre élitiste et pour « séparer les intellectuels des autres ». Avant cela, chacun écrivait comme il le souhaitait. Dans Athalie de Racine (1691, page 4), celui-ci utilise la règle de l’accord de proximité dans « trois jours et trois nuits entières ». En 1635, l’Académie française veut améliorer le français afin qu’il soit compréhensible pour toutes les personnes. En 1673, François Eude de Mézeray établit toutefois cette règle conservatrice : l’Académie doit préférer « l’ancienne orthographe, qui distingue les gens de Lettres avec des ignorants et les simples femmes ». De nos jours, l’orthographe est employée pour disqualifier une pensée, c’est-à-dire qu’on ne dissocie pas l’orthographe de la langue (Jean-Pierre Sautot, 2000). En effet, la langue française se dirige doucement vers une écriture dite inclusive. Celle-ci rassemble des attentions graphiques et syntaxiques qui permettent d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes; par exemple, le point médian dans les professeur•e•s. Cependant, l’écriture inclusive fait débat. Elle apporte peut-être plus d’équité et de cohérence dans les accords, mais cette évolution de la langue peut contrarier certaines personnes plus conservatrices.

L’écriture inclusive ou le « péril mortel »…

Le 8 mars 2017, le manuel publié chez Hatier, Questionner le monde (Magellan, 2017), entraîne un mécontentement majeur relativement à l’utilisation de l’écriture inclusive. L’Académie française qualifie celle-ci « d’aberration “inclusive” » et estime que « la langue française se trouve désormais en péril mortel ». Après de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, l’auteur et l’éditeur Hatier expriment vouloir employer l’écriture inclusive seulement pour les noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions, et non pour le reste. Le changement mène toujours à des débats puisqu’il fait peur. En effet, pour Manesse (2019), spécialiste en didactique du français langue maternelle, l’écriture inclusive peut être plus difficile à déchiffrer à cause d’une surcharge de ponctuations. Cependant, si l’écriture inclusive commence à être introduite dès le CE2 (qui correspond à la troisième année du primaire), les enfants la comprendront beaucoup plus facilement.

… ou encore l’écriture de l’égalité hommes-femmes

Danielle Omer partage l’une de ses expériences dans « La fin du masculin générique? Expériences et débats autour de l’écriture inclusive » (2020). Cette expérience consistait à utiliser seulement un féminin générique afin de ne pas exclure les femmes. Cependant, qu’il s’agisse du masculin générique ou du féminin générique, des personnes se trouvent exclues. Dès lors, il faudrait utiliser l’écriture inclusive qui permet plus d’équité et de cohérence dans les accords. Elle apporte une légitimation des fonctions sociales et des professions exercées par les femmes. Ainsi, les institutions publiques sont beaucoup plus favorables à l’adoption d’une écriture plus inclusive. En fait, améliorer notre langue ne nous fera pas perdre notre culture ni notre histoire.

Voici quelques habitudes à prendre pour se faire la main à l’écriture inclusive :

  • – accorder en genre le nom des fonctions, des grades, des métiers;
  • – utiliser des termes épicènes (enfant, collègues…) afin d’éviter l’exclusion d’un genre;
  • – recourir à l’ordre alphabétique (tous, toutes) afin de ne pas faire de favoritisme.

En conclusion

Les langues sont des symboles d’identité. Les locuteurs et locutrices les utilisent afin de construire leur identité et pour catégoriser leurs pairs en fonction de la langue qu’ils parlent. L’écriture inclusive semble être un changement pour certains, mais pour d’autres, elle a toujours existé et était utilisée au XVIIe siècle.

L’écriture inclusive en elle-même n’est pas compliquée à appliquer même si elle apporte une certaine lourdeur au texte. Faut-il garder notre écriture inchangée seulement parce qu’elle nous permet d’écrire plus rapidement? Il faut savoir que de plus en plus de chercheurs et de chercheuses s’interrogent sur la manière dont nos ordinateurs pourraient être programmés..

Références

  • Magellan, M. (2017). Questionner le monde? https://pdf.editions- hatier.fr/Manuel_Magellan_CE2_.pdf
  • Manesse, D. (2019). La langue à tous ses niveaux face à l’écriture inclusive. Dans D. Manesse et G. Siouffi, Le féminin et le masculin dans la langue. L’écriture inclusive en questions (p. 35-56). Paris.
  • Omer, D. (2020). La fin du masculin générique? Expériences et débats autour de l’écriture inclusive. HAL Open Science, 181-202. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02977447/document
  • Sautot, J. P. (2000). Utilisation de l’orthographe et d’autres indices dans la construction du sens en lecture. Étude de la variation de la réception chez des lecteurs enfants de (6 à 15 ans) et adultes [Thèse de doctorat]. Université Stendhal, Grenoble. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00365321/document

Pour aller plus loin

Source : https://rire.ctreq.qc.ca/ecriture-inclusive-ou-lavenir-du-francais/