Refondation de l’école

Après cinq mois de discussions, Vincent Peillon a dévoilé le projet de loi sur la refondation de l’école qui réaffirme les promesses emblématiques de François Hollande de recréer 60 000 postes sur cinq ans et de donner la priorité au primaire.

 

 

■ RYTHMES : DES HEURES REDISTRIBUÉES EN PRIMAIRE
Retour à la semaine de 4,5 jours en 2013 ou 2014 selon les communes, avec l’ajout du mercredi matin (dérogation possible pour le samedi). Soit 180 jours de classe par an au lieu de 144 actuellement, toujours sur 36 semaines.

Les écoliers resteront à 24 heures de cours hebdomadaires, reparties autrement pour qu’ils soient plus réceptifs, auxquelles s’ajouteront des activités orchestrées par les communes. Pas plus de 5 heures 30 de classe par jour, aumoins 1 heure 30 de pause à la mi-journée.
Exit « l’aide personnalisée », arrivée des « activités pédagogiques complémentaires ».

Le gouvernement n’exclut pas ensuite de réduire les vacances d’une ou deux semaines, ni de s’attaquer aux rythmes du collège et du lycée.

■ MATERNELLE REDÉFINIE
Scolarisation des moins de 3 ans encouragée dans les secteurs d’éducation prioritaire, les secteurs ruraux isolés et les DOM-TOM, pour lutter contre l’échec scolaire.
Missions de la maternelle redéfinies pour la rentrée 2014, notamment pour stopper sa « primarisation », ou anticipation d’apprentissages de l’école élémentaire, car cette pression précoce met des enfants en difficulté.

■ PLUS DE MAÎTRES QUE DE CLASSES EN PRIMAIRE
Pour varier les pratiques pédagogiques afin de réduire l’échec.

■ LANGUE VIVANTE OBLIGATOIRE EN CP

Pour améliorer les résultats« alarmants » en langues étrangères.

■ RÉDUCTION PROGRESSIVE DU REDOUBLEMENT
Il coûte cher, son efficacité « n’est pas probante ».

■ ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE
Pour promouvoir le respect de la personne, de ses origines, ses différences et de l’égalité homme-femme.

■ AMBITION NUMÉRIQUE
Création d’un Service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance, pour prolonger les enseignements, communiquer avec les familles, offrir des ressources pédagogiques aux enseignants ou permettre d’instruire à distance des élèves handicapés. Sensibilisation aux droits/devoirs, induits par le numérique.

■ ORIENTATION CHOISIE
Parcours de découverte du monde économique et professionnel dès la rentrée 2015 au collège, où le tronc commun doit être le plus long possible (plus d’orientation en classe de 4e).

■ ECOLES POUR LES PROFS
Création des Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) pour la rentrée 2013, car « enseigner s’apprend », avec non seulement des compétences académiques, mais aussi pédagogiques : il ne suffit pas d’avoir un master de maths pour enseigner la lecture, savoir accueillir un enfant handicapé… Entrée progressive dans le métier.

■ 60 000 POSTES PROMIS PAR HOLLANDE
Sur le quinquennat, 54 000 postes créés dans l’Education,
5 000 dans l’enseignement supérieur,
1 000 dans l’enseignement agricole.
Près de la moitié, 27 000 postes, iront à la formation des enseignants.
Le primaire aura 14.000 postes : 7.000 pour le « plus de maîtres que de classes », 3.000
pour les moins de trois ans, 4.000 pour améliorer « l’équité territoriale ».

■ PROGRAMMES
Un Conseil supérieur des programmes fera des propositions et réexaminera le socle rénové, qui doit devenir « le principe organisateur de l’enseignement obligatoire » (6 à 16 ans). Il fera des propositions sur les épreuves du brevet et du baccalauréat.

■ LYCÉE
A partir de 2014, « évolutions substantielles » au lycée général et technologique. Pour les élèves « les plus fragiles » des lycées professionnels, davantage de « parcours adaptés » proposés.

(Source : DNA – 07 décembre 2012)

Dégonflage

 

Le dossier législatif de la loi d’orientation et de programmation comprend au total 63 pages réparties entre un exposé des motifs, le texte de loi et une annexe déclarative. Sur ces 63 pages seulement 23 ont une valeur législative contraignante, quand le document aura été adopté. L’exposé des motifs est plutôt une explication des articles de la loi. Quant à l’annexe, elle présente les grandes orientations de la politique gouvernementales, y compris sur des points qui sont absents de la loi, comme l’avenir du lycée, mais elle n’a aucune valeur législative. Il y a par conséquent un « dégonflage » des ambitions en passant de 63 à 23 pages. La loi d’orientation de 2005 comprenait 89 articles contre 53 dans celle de 2012.

 

La loi s’intéresse finalement à la formation des enseignants, au socle commun, à l’organisation des enseignements, au primaire, au numérique, à l’orientation, à la décentralisation et à la morale laïque. C’est dire que sur bien des points l’essentiel du changement sera inclus dans des textes non législatifs. C’est le cas par exemple de la réforme des rythmes scolaires.

 

Les Espe et la formation des enseignants

 

Vincent Peillon veut faire de la formation des enseignants le fondement de la refondation. C’est un des points pour lesquels la loi fixe la calendrier (rentrée 2013) et entre dans les détails. La loi consacre aux ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) 5 articles et presque autant de pages. Les IUFM sont supprimés par la loi. Les Espe  » organisent… la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation et participent à leur formation continue ». Celle-ci  » inclut nécessairement des enseignements théoriques, des enseignements pratiques et un ou plusieurs stages », ce qui est une façon de reconnaitre la formation professionnelle des enseignants. Enfin les Espe accueillent aussi bien les futurs enseignants de l’enseignement scolaire que ceux du supérieurs ou des professionnels de l’éducation. C’est un autre point qui démarque le projet Peillon. La loi définit les missions et le fonctionnement des Espé. Mais l’essentiel de la formation se trouvera dans un cahier des charges qui reste à établir. Dans l’annexe, le ministère prévoit de doter les espé d’un millier de postes de formateurs. La loi précise qu’il y a une formation continue mais ne dit rien d’autre à ce sujet.

 

Les nouveaux conseils

 

La loi institue le Conseil national des programmes et le conseil de l’évaluation de l’Ecole. Tous deux sont composés de parlementaires et d’experts nommés par le ministre. Indépendants, ces conseils devraient remplacer le HCE. Les deux conseils correspondent à un souci de transparence porté par Peillon. On saura dorénavant qui fait les programmes scolaires par exemple.

 

Le socle commun et les cycles

 

Objet d’une confrontation régulière lors de la concertation, le socle commun fait son chemin dans la loi mais reste dans le flou. La loi précise que  » la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribuent l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité » mais aussi que « Les éléments de ce socle commun sont fixés par décret. » C’est aussi par décret que seront définis les cycles étant acté le fait que la maternelle constitue un cycle et qu’il doit y avoir un cycle cm2 6ème pour favoriser la dialogue école collège.  » Il est institué un conseil école-collège qui propose au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles des actions de coopération et d’échange. Le conseil école-collège peut notamment proposer que certains enseignements ou projets pédagogiques soient communs à des élèves du collège et des écoles. La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont fixées par décret ».

 

Le numérique exceptionnellement présent

 

Le numérique occupe une large place dans le projet de loi.  » Un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance est organisé » afin notamment de  » proposer aux enseignants des ressources pédagogiques pour leur enseignement ». La loi hésite un peu sur ce qu’est l’éducation numérique. Elle  » s’insère dans les programmes d’enseignement et peut également faire l’objet d’enseignements spécifiques ». La loi règle deux problèmes sérieux. Le premier c’est l’exception pédagogique qui fait l’éffet de l’article12. Le second c’est la maintenance du matériel qui est donnée par la loi aux départements et aux régions. La formation des enseignants au numérique se fait dans les Espe (art 42).

 

La décentralisation en marche

 

Certains textes  n’attendent pas la loi sur la décentralisation, qui devrait les regrouper, et sont inscrits dans la loi d’orientation. C’est le cas de l’ouverture des EPLE au public par la collectivité locale. Ou encore de l’augmentation du nombre de représentants des collectivités territoriales dans les EPLE (art 37). La loi met en place les conventions tripartites , EPLE, Etat, collectivité territoriale.

 

Primaire

 

Le primaire est bien affirmé comme la priorité de la loi. Les cycles sont appelés à être précisés par décrets. La maternelle est redéfinie ainsi :  » La formation dispensée dans les classes et les écoles maternelles favorise l’éveil de la personnalité des enfants, conforte et stimule leur développement affectif, sensoriel, moteur, cognitif et social. Elle les initie et les exerce à l’usage des différents moyens d’expression. Elle prépare progressivement les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l’école élémentaire ».

 

L’école élémentaire est elle aussi décrite dans un sens qui va au -delà du fondamental.  » Cette formation assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale et écrite, lecture, calcul, résolution de problèmes ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle dispense les éléments d’une culture scientifique et technique. Elle offre une éducation aux arts plastiques et musicaux Elle assure l’enseignement d’une langue vivante étrangère. Elle contribue également à la compréhension et à un usage autonome et responsable des médias ». Les rythmes scolaires sont traités en dehors de la loi.

 

Second degré

 

La loi dit peu de choses sur le second degré. Les dispositifs de sélection précoce, comme le DIMA, sont supprimés. L’apprentissage comme la professionnalisation ne peuvent intervenir avant 15 ans. Le lycée est à peine mentionné.

 

Le détail des postes dans l’annexe

 

N’ayant pas valeur légale, l’annexe regroupe des éléments de programme qui mettent en perspective les points précis du projet de loi. Elle abrite aussi des précisions. Ainsi l’annexe détaille les créations de postes projetées par le gouvernement. Sur les 60 000 fonctionnaires que l’Etat veut embaucher en plus des départs en retraite, 1000 devraient aller à l’enseignement agricole et 5000 à l’enseignement supérieur. Restent 24 000 postes pour l’enseignement scolaire. 21 000 postes devarient aller en établissement dont 14 000 pour le primaire et 7 000 pour le secondaire. Sur les 14 000, 3000 postes alimenteront la maternelle, 4000 les écoles élémentaires et 7 000 pour le « plus de maitres que de classe ». La réforme de la formation devrait passer avec 26 000 postes créés, ceux des stagiaires.

 

Et les enseignants ?

 

L’annexe décrit aussi le devenir des collèges et lycées durant le quinquennat. Elle fixe des objectifs de qualité à atteindre. Par exemple  » réduire à moins de 10% l’écart de maîtrise des compétences en fin de CM2 entre les élèves de l’éducation prioritaire et les élèves hors éducation prioritaire ». Mais ce qui frappe c’est la place particulière des enseignants. Objets de la nouvelle formation, du nouveau management des EPLE, des nouvelles organisations, la loi a omis d’aborder la question de la revalorisation des enseignants ou de l’évolution du métier.

(source : Café Pédagogique – 07 décembre 2012)