Fondée en 1902 au sein de la Kaiser-Wilhelms-Universität, la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg est la seule en France à dispenser des diplômes d’État. Jean-Pierre Wagner, son doyen, nous explique sa particularité et ses défis.
D’où vient l’originalité de la Faculté de théologie catholique ?
À Strasbourg, la Faculté de théologie est une des 37 composantes de l’université alors que celles de Paris, Lyon, Angers, Lille et Toulouse sont des institutions privées. Cette différence résulte de l’histoire avec des considérations qui ont entraîné la disparition de la théologie au sein de l’Université française. Cela n’a pas joué en Alsace où l’université a été créée à l’époque allemande. Quand l’Alsace est redevenue française en 1918, les diverses autorités de l’État ont opté pour le maintien de la Faculté de théologie d’État, avec pleine reconnaissance de la Convention de 1902. La faculté délivre donc des diplômes d’État qui jouissent de la reconnaissance canonique accordée par le Saint-Siège. Cette double reconnaissance est essentielle pour nous, elle garantit notre inscription dans le réseau international.
Justement, quelles relations votre faculté entretient-elle avec l’international ?
En théologie catholique, nous avons un très gros troisième cycle avec entre 80 et 100 étudiants préparant une thèse. C’est le résultat de notre inscription dans des réseaux internationaux ; nous accueillons des étudiants d’Afrique, d’Amérique latine, de Roumanie, de Grèce, etc. Quelques-uns de nos enseignants viennent aussi de l’étranger, pas seulement de l’Union européenne d’ailleurs, ce qui facilite utilement les échanges. Concernant nos étudiants, nous les encourageons à la mobilité avec la proximité de l’Allemagne et de l’Italie, deux grands pays à forte tradition théologique.
Si la faculté est une institution unique en France, vous accueillez aussi un public particulier ?
L’effectif global des étudiants inscrits à la la faculté tourne autour de 550. Nous avons en effet deux publics différents. Le premier se compose de jeunes étudiants souvent issus d’un autre cursus – les néo-bacheliers eux sont peu nombreux – qui assistent à des cours en présentiel. Le second est plus massif avec des personnes poursuivant un double cursus mais surtout déjà en activité professionnelle, d’où la variété et la richesse de ce public. Ces derniers étudiants profitent de l’enseignement à distance, dispositif dont nous sommes pionniers à Strasbourg. Cela fait au moins 30 ans que nous l’avons mis en place avec, à l’époque, l’envoi de cours polycopiés sous forme de livrets par courrier postal. Aujourd’hui, nous devons profiter de l’évolution technologique en intégrant l’outil numérique et nous avons à relever un défi lié à la concurrence puisque les autres facultés de théologie se sont aussi lancées sur ce terrain.
Qu’étudie-t-on dans votre faculté ? Et quels sont les débouchés ?
La théologie catholique couvre un grand nombre de disciplines : la théologie dans son aspect systématique, les sciences de la Bible, les langues anciennes, la philosophie, l’histoire de l’Église, les littératures chrétiennes anciennes et médiévales, l’éthique, la théologie pratique et le droit canonique. Un Institut de droit canonique existe au sein même de la faculté, il délivre également des diplômes nationaux. De ce fait, nous offrons un panel très large de débouchés allant des métiers d’Église au journalisme en passant par les métiers de l’enseignement, du livre, du tourisme, des bibliothèques, des musées, ou encore les concours demandant une licence.
Pourtant la théologie souffre d’une image un peu désuète ?
Pour les lycéens et leurs parents, il y a quelque chose dans la théologie qui les interroge notamment par rapport aux débouchés. Mais il faut les persuader que la théologie n’est pas obsolète ! C’est un lieu de recherche au carrefour de disciplines réflexives comme la philosophie ou pratiques et sociétales avec l’éthique qui évoluent et qui suscitent encore aujourd’hui beaucoup d’interrogations dans un monde à la fois pluraliste et chercheur de sens.
Finalement, quels défis souhaitez-vous relever pour votre faculté ?
Nous souhaitons d’abord améliorer le dispositif d’enseignement à distance en répondant au défi technologique et à la concurrence. Dans ce sens, nous allons demander qu’un poste de maître de conférences soit transformé en poste d’ingénieur d’études pour s’occuper de l’accompagnement en la matière.
Nous voulons aussi développer le travail en réseau en particulier à l’international et essayer de maintenir la part importante d’étudiants venus de l’étranger. Enfin, nous aimerions que les étudiants d’autres composantes puissent prendre des modules optionnels en théologie.
Propos recueillis pas Floriane Andrey