Martin Luther King
« Le travail n’est pas fini, le voyage n’est pas terminé ! », a lancé dans une intervention enflammée le fils de « MLK », Martin Luther King III, à propos de la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains menée par son illustre père. « Le rêve est loin d’être réalisé. les pleurs de la mère et du père de Trayvon Martin nous rappellent que bien trop souvent la couleur de la peau reste un permis pour le délit de faciès, pour arrêter et même pour assassiner », a-t-il martelé, en référence à l’adolescent noir tué en 2012 en Floride par un vigile, George Zimmerman. L’acquittement en juillet de cet Américain hispanique avait provoqué des manifestations de colère à travers les États-Unis.
Il y a cinquante ans, le discours de MLK – assassiné en avril 1968 à Memphis, dans le Tennessee, par un Blanc – avait rassemblé près de 250.000 personnes devant le « Lincoln Memorial ». Sa fameuse litanie « I have a dream » est gravée sur les marches du monument à l’endroit précis où il avait parlé, à l’orée de la promulgation des lois sur les droits civiques par le président Lyndon Johnson en 1964 et 1965. Washington fête jusqu’à aujourd’hui 28 août cet anniversaire avec en point d’orgue un discours de Barack Obama au mémorial Lincoln.
Traduction du discours
Je suis heureux de pouvoir être ici avec vous aujourd’hui, à une manifestation dont on se rappellera comme étant la plus grande manifestation pour la liberté dans l’histoire de notre pays.
Il y a cent ans, un grand Américain, à l’ombre de qui nous sommes aujourd’hui, a signé la Proclamation d’Emancipation. Ce décret capital est arrivé comme une grande lumière d’espoir pour les millions d’esclaves qui avaient été brûlés par les flammes de l’injustice qui consume. Il est venu comme une aurore joyeuse pour terminer la longue nuit de leur captivité.
Mais, un siècle plus tard, le Noir n’est toujours pas libre; un siècle plus tard la vie du Noir est toujours tristement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination; un siècle plus tard, le Noir vit isolé sur une île d’indigence au milieu d’un vaste océan de prospérité; un siècle plus tard, le Noir languit toujours dans les coins de la société américaine et il se trouve en exilé dans sa propre terre.
Nous sommes donc venus ici aujourd’hui pour dramatiser une condition honteuse. Dans un sens, nous sommes venus à la capitale de notre pays pour toucher ce qui nous est dû. Quand les architectes de notre république ont écrit les mots magnifiques de la Constitution et de la Déclaration d’Indépendance, ils ont signé un billet à ordre, dont tous les Américains devaient hériter. Ce billet était une promesse qu’à tous les hommes, oui, les hommes noirs aussi bien que les hommes blancs, seraient garantis les droits inaliénables de vie, de liberté, et de poursuite du bonheur.
Il est clair aujourd’hui que l’Amérique a manqué à ses engagements en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu de faire honneur à cette obligation sacrée, l’Amérique a donné au peuple noir un chèque sans provisions; un chèque qui nous est revenu marqué « fonds insuffisants ». Nous refusons de croire que la banque de la justice soit en faillite. Nous refusons de croire qu’il y ait des fonds insuffisants dans les grandes chambres fortes d’opportunité de cette nation. Par conséquent, nous sommes venus ici pour encaisser notre chèque, le chèque qui nous donnera sur demande les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.
Nous sommes venus à ce lieu sacré pour rappeler au peuple américain l’urgence extrême du présent. Ce n’est pas le moment de nous adonner au luxe de nous détendre ou de nous contenter de la drogue tranquillisante d’une solution graduelle. Il est temps maintenant de rendre réelles toutes les promesses de la démocratie; il est temps maintenant de quitter la vallée sombre et désolée de la ségrégation pour nous avancer vers le sentier brillant de la justice raciale; il est temps maintenant d’aider notre nation à se dégager des sables mouvants de l’injustice raciale pour l’installer sur le roc solide de la fraternité; il est temps maintenant de faire que la justice devienne une réalité pour tous les enfants de Dieu. Ce serait une erreur fatale pour la nation de refuser de voir l’urgence du moment. Cet été étouffant du mécontentement légitime du Noir ne finira pas jusqu’à ce qu’arrive un automne vivifiant de liberté et d’égalité.
1963 n’est pas une fin, mais un commencement. Et ceux qui espèrent que le Noir avait besoin de passer sa colère et qu’il est maintenant satisfait, auront un rude réveil si la nation revient à sa routine. Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce que le Noir obtienne ses droits de citoyenneté. Les tourbillons de la révolte continueront à ébranler les fondements de notre nation jusqu’à ce que le jour clair de la justice se lève à l’horizon.
Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, qui a le pied sur le seuil attrayant qui mène au palais de la justice. Tout en cherchant à obtenir la place qui nous est dûe, nous ne devons pas être coupables d’actions mauvaises. Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant dans la tasse de l’amertume et de la haine. Nous devons pour toujours conduire notre lutte sur un plan élevé de dignité et de discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Encore et encore, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où l’on réfute la force physique avec la force de l’âme.
L’esprit militant, nouveau et merveilleux, qui a pénétré la communauté Noire, ne doit pas nous amener à manquer de confiance en tous les Blancs, parce que beaucoup de nos frères blancs, comme le prouve leur présence ici aujourd’hui, se rendent maintenant compte que leur destinée est liée à notre destinée, et ils sont arrivés à la réalisation que leur liberté est inextricablement liée à notre liberté. Nous ne pouvons pas cheminer seuls. Et en cours de chemin, nous devons promettre que nous marcherons toujours de l’avant. Nous ne pouvons pas retourner en arrière.
Il y a ceux qui demandent aux partisans des Droits Civiques, « Quand serez-vous satisfaits? » Nous ne serons jamais satisfaits tant que le Noir sera victime des horreurs indicibles de la brutalité de la police; nous ne serons jamais satisfaits tant que nos corps, lourds de la fatigue du voyage, nous ne pourrons pas obtenir un logement dans les motels de la grand-route et dans les hôtels des villes; nous ne serons pas satisfaits tant que la mobilité essentielle du Noir consistera à aller d’un ghetto plus petit à un autre plus grand; nous ne serons jamais satisfaits tant qu’on dépouillera nos enfants de leur amour-propre et tant qu’on les privera de leur dignité avec des pancartes qui déclarent: « Pour les Blancs Seulement. » Nous ne serons pas satisfaits tant que le Noir du Mississippi ne pourra pas voter, et le Noir de New York croira qu’il n’a rien en faveur de quoi il peut voter. Non! Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons pas satisfaits jusqu’à ce que « la justice dévale comme un torrent et le droit comme un fleuve puissant. »
Je n’ignore pas que certains d’entre vous sont venus ici après de grandes épreuves et tribulations. Quelques-uns parmi vous sont récemment sortis de prisons étroites. Quelques-uns parmi vous sont venus de régions où, dans votre quête pour la liberté, vous avez été meurtris par les orages de la persécution et rendus chancelants par les vents de la brutalité de la police. Vous êtes les vétérans de la souffrance inventive. Continuez à travailler dans la foi que la souffrance non méritée est rédemptrice. Retournez dans le Mississippi; retournez dans l’Alabama; retournez en Caroline du Sud; retournez en Géorgie; retournez en Louisiane; retournez aux bas quartiers et aux ghettos des villes du nord sachant que, d’une manière ou d’une autre, cette situation doit être et sera changée! Ne nous vautrons pas dans la vallée du désespoir!
Donc, mes amis aujourd’hui je vous dis que quoique nous devions faire face aux difficultés d’aujourd’hui et de demain, j’ai tout de même un rêve. C’est un rêve qui est profondément enraciné dans le rêve américain. Je rêve qu’un jour cette nation se dressera et fera honneur à la vraie signification de son credo: « Nous tenons ces vérités comme évidentes, que tous les hommes sont créés égaux. » Je rêve qu’un jour sur les collines rouges de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve qu’un jour, même l’état du Mississippi, un état qui étouffe dans la fournaise de l’injustice, qui étouffe dans la fournaise de l’oppression, sera transformé en une oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés par la couleur de leur peau, mais à la mesure de leur caractère.
J’ai Un Rêve Aujourd’hui!
Je rêve qu’un jour, au fin fond de l’Alabama, avec ses racistes pleins de haine –avec son gouverneur des lèvres de qui dégoulinent les mots de l’interposition et de la nullification–un jour, même là, en Alabama, les petits garçons noirs et les petites filles noires pourront aller la main dans la main avec les petits garçons blancs et les petites filles blanches, comme frères et sœurs.
J’ai Un Rêve Aujourd’hui!
Je rêve qu’un jour, chaque vallée sera rehaussée et chaque colline et chaque montagne sera aplanie, les aspérités seront nivelées et les endroits tortueux seront rendus rectilignes, et « la gloire de Dieu sera révélée et tout ce qui est chair le verra ensemble. »
C’est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud. Avec cette foi nous pourrons tailler dans la montagne du désespoir, la stèle de l’espoir. Avec cette foi, nous pourrons transformer la cacophonie des discordes de notre nation en une belle symphonie de la fraternité. Avec cette foi, nous pourrons travailler ensemble, prier ensemble, lutter ensemble, aller en prison ensemble, défendre la cause de la liberté ensemble, sachant qu’un jour nous serons libres. Et ce sera le jour, ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter avec une signification nouvelle : « Ma patrie c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où mes aïeux sont morts, terre fierté du pèlerin ; que du versant de chaque montagne retentisse le carillon de la liberté. » Et si le destin de l’Amérique est d’être une grande nation, tout cela doit devenir vrai.
Que la liberté retentisse donc des collines prodigieuses du New Hampshire jusqu’aux imposantes montagnes du New York. Que la liberté retentisse du sommet des majestueuses Alléghénies de Pennsylvanie. Que la liberté retentisse des pics couronnés de neige des Rocheuses du Colorado. Que la liberté retentisse des versants mamelonnés de la Californie. Mais non seulement cela. Que la liberté retentisse du haut de Stone Mountain en Géorgie. Que la liberté retentisse du haut de Lockout Mountain au Tennessee. Que la liberté retentisse de chaque colline, et des moindres monticules dans le Mississippi. « Que du versant de chaque montagne retentisse le carillon de la liberté! »
Et quand cela se produira, quand nous permettrons à la liberté de retentir, quand elle retentira dans chaque village, et dans chaque hameau, dans chaque état et dans chaque ville, nous serons à mesure de hâter l’arrivée du jour où tous les enfants de Dieu, noirs et blancs, juifs et non juifs, protestants et catholiques, pourrons chanter en se tenant la main ces mots du vieux Negro Spiritual: « Libres enfin, libres enfin; béni soit le Tout-Puissant, nous sommes libres enfin! »
Texte original
Delivered on the steps at the Lincoln Memorial in WashingtonD.C. on August 28, 1963
One hundred years later, the colored American lives on a lonely island of poverty in the midst of a vast ocean of material prosperity. One hundred years later, the colored American is still languishing in the corners of American society and finds himself an exile in his own land So we have come here today to dramatize a shameful condition.
In a sense we have come to our Nation’s Capital to cash a check. When the architects of our great republic wrote the magnificent words of the Constitution and the Declaration of Independence, they were signing a promissory note to which every American was to fall heir.
This note was a promise that all men, yes, black men as well as white men, would be guaranteed to the inalienable rights of life liberty and the pursuit of happiness.
It is obvious today that America has defaulted on this promissory note insofar as her citizens of color are concerned. Instead of honoring this sacred obligation, America has given its colored people a bad check, a check that has come back marked « insufficient funds. »
But we refuse to believe that the bank of justice is bankrupt. We refuse to believe that there are insufficient funds in the great vaults of opportunity of this nation. So we have come to cash this check, a check that will give us upon demand the riches of freedom and security of justice.
We have also come to his hallowed spot to remind America of the fierce urgency of Now. This is not time to engage in the luxury of cooling off or to take the tranquilizing drug of gradualism.
Now is the time to make real the promise of democracy.
Now is the time to rise from the dark and desolate valley of segregation to the sunlit path of racial justice.
Now is the time to lift our nation from the quicksands of racial injustice to the solid rock of brotherhood.
Now is the time to make justice a reality to all of God’s children.
It would be fatal for the nation to overlook the urgency of the moment and to underestimate the determination of it’s colored citizens. This sweltering summer of the colored people’s legitimate discontent will not pass until there is an invigorating autumn of freedom and equality. Nineteen sixty-three is not an end but a beginning. Those who hope that the colored Americans needed to blow off steam and will now be content will have a rude awakening if the nation returns to business as usual.
There will be neither rest nor tranquility in America until the colored citizen is granted his citizenship rights. The whirlwinds of revolt will continue to shake the foundations of our nation until the bright day of justice emerges.
We can never be satisfied as long as our bodies, heavy with the fatigue of travel, cannot gain lodging in the motels of the highways and the hotels of the cities.
We cannot be satisfied as long as the colored person’s basic mobility is from a smaller ghetto to a larger one.
We can never be satisfied as long as our children are stripped of their selfhood and robbed of their dignity by signs stating « for white only. »
We cannot be satisfied as long as a colored person in Mississippi cannot vote and a colored person in New York believes he has nothing for which to vote.
No, no we are not satisfied and we will not be satisfied until justice rolls down like waters and righteousness like a mighty stream.
I am not unmindful that some of you have come here out of your trials and tribulations. Some of you have come from areas where your quest for freedom left you battered by storms of persecutions and staggered by the winds of police brutality.
You have been the veterans of creative suffering. Continue to work with the faith that unearned suffering is redemptive.
Go back to Mississippi, go back to Alabama, go back to South Carolina go back to Georgia, go back to Louisiana, go back to the slums and ghettos of our modern cities, knowing that somehow this situation can and will be changed.
Let us not wallow in the valley of despair. I say to you, my friends, we have the difficulties of today and tomorrow.
I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream.I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed. We hold these truths to be self-evident that all men are created equal.
I have a dream that one day out in the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at the table of brotherhood.
I have a dream that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.
I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by their character.
I have a dream today.
I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious racists, with its governor having his lips dripping with the words of interposition and nullification; that one day right down in Alabama little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.
I have a dream today.
I have a dream that one day every valley shall be engulfed, every hill shall be exalted and every mountain shall be made low, the rough places will be made plains and the crooked places will be made straight and the glory of the Lord shall be revealed and all flesh shall see it together.
This is our hope. This is the faith that I will go back to the South with. With this faith we will be able to hew out of the mountain of despair a stone of hope.
With this faith we will be able to transform the jangling discords of our nation into a beautiful symphony of brotherhood.
With this faith we will be able to work together, to pray together, to struggle together, to go to jail together, to climb up for freedom together, knowing that we will be free one day.
This will be the day when all of God’s children will be able to sing with new meaning « My country ’tis of thee, sweet land of liberty, of thee I sing. Land where my father’s died, land of the Pilgrim’s pride, from every mountainside, let freedom ring! »
And if America is to be a great nation, this must become true. So let freedom ring from the hilltops of New Hampshire. Let freedom ring from the mighty mountains of New York.
Let freedom ring from the heightening Alleghenies of Pennsylvania.
Let freedom ring from the snow-capped Rockies of Colorado.
Let freedom ring from the curvacious slopes of California.
But not only that, let freedom, ring from Stone Mountain of Georgia.
Let freedom ring from every hill and molehill of Mississippi and every mountainside.
When we let freedom ring, when we let it ring from every tenement and every hamlet, from every state and every city, we will be able to speed up that day when all of God’s children, black men and white men, Jews and Gentiles, Protestants and Catholics, will be able to join hands and sing in the words of the old spiritual, « Free at last, free at last. Thank God Almighty, we are free at last.