La morale à l’école


Fabien Trécourt (le Monde des religions) – publié le 06/12/2012

Le ministre de l’Education nationale a déclaré qu’il faudrait encore du temps pour définir les programmes de morale laïque à l’école. Pour cause, cela n’a rien d’évident.


Le ministre de l’Education Vincent Peillon, en visite dans un lycée de Lille, le 14 novembre dernier © Baziz Chibane / SIPA

Les cours de morale laïque attendront. Le ministre de l’Education, Vincent Peillon, qui souhaite les rétablir dès la sixième, a récemment annoncé que cela ne se fera « pas avant la rentrée 2015 », les programmes n’étant pas définis. Agrégé de philosophie — auteur d’une thèse sur Merleau-Ponty —, il assurait pourtant qu’il n’y avait rien de plus simple à définir qu’une morale laïque : « C’est comprendre ce qui est juste, distinguer le bien du mal, c’est aussi des devoirs autant que des droits, des vertus, et surtout des valeurs », déclarait-il au Journal du dimanche. Tout le monde est d’accord sur les grands principes, ajoutait-il à l’envi.

Ça n’est pourtant pas si simple. « Il existe plusieurs morales laïques concurrentes », alerte le philosophe Ruwen Ogien : jouir sans entrave ou revendiquer un droit à la paresse en sont des exemples. « J’aimerais bien voir la tête de Vincent Peillon si on les enseignait à l’école ! » Pour Alain Finkielkraut, au contraire, une morale laïque s’appuie sur des principes absolus, qui valent en toutes circonstances. « C’est ce que l’écrivain George Orwell appelle la common decency« , avance-t-il, la « décence ordinaire ». « Il y a des choses qui ne se font pas », dit-il. Et Albert Camus, dans la même veine, médite cette phrase magnifique de son père : « Un homme, ça s’empêche. »

Le fait qu’il y ait débat semble donner raison aux critiques des cours de morale : si ces valeurs allaient de soi, si elles étaient si évidentes, pourquoi y aurait-il tant de désaccords et de disputes ? Comme le montre le dossier du quotidien La Croix, beaucoup d’enseignants et d’intellectuels redoutent un programme orienté idéologiquement, y compris lorsqu’ils sont favorables à ces cours de morale… Une solution de compromis est avancée dans Philosophe magazine : enseigner la philosophie bien avant la classe de terminale, pour sensibiliser les élèves aux problèmes moraux tout en respectant leur liberté de conscience. D’ailleurs, près de trois cents lycées ont expérimenté la philosophie à partir de la seconde, l’année dernière, et beaucoup en redemandent.

 

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