Le gouvernement ne compte pas renouveler cette commission
Encore un coup porté au droit local et, par ricochet, au statut scolaire local.
Cette commission avait le mérite de maîtriser parfaitement la réalité de l’enseignement de la religion dans les école publiques. Sa disparition entraînera une distance supplémentaire entre le terrain alsacien et le ministère rue de Grenelle.
L’article de presse (DNA du 03 décembre 2020 / Franck Buchy) informe la population de cette situation sans visiblement créer de remous ni du côté de la classe politique ni du côté des institutions alsaciennes (religieuses et autres)
Est-il déjà trop tard ? Où doit-on espérer que la nouvelle CEA va reprendre le flambeau et défendre les intérêts alsaciens malmenés comme jamais auprès d’une France toujours trop jacobine ?
Rappel :
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La messe est dite pour la commission du droit local
Le gouvernement ne compte pas renouveler la commission du droit local d’Alsace-Moselle qu’il a laissé s’éteindre en 2019 malgré les alertes. Cette disparition interroge d’autant plus en Alsace que le projet de loi contre le séparatisme pourrait introduire des éléments de la loi de 1905 dans le droit local.
La question qu’André Reichardt a posée mardi au garde des Sceaux n’avait rien d’anodin. Elle avait même une saveur toute particulière à quatre semaines de la naissance de la Collectivité européenne d’Alsace. Le sénateur bas-rhinois (LR) souhaitait savoir « quand le gouvernement entendait procéder au renouvellement des membres de la commission du droit local d’Alsace-Moselle ».
Créée en 2014 pour une durée de cinq ans, cette commission administrative à caractère consultatif s’est éteinte de fait, faute de nominations. « Chargée d’étudier toute mesure relative au droit local, cette commission mérite de continuer à œuvrer. Or, aujourd’hui, elle n’est plus en capacité de se réunir statutairement », a expliqué André Reichardt.
« L’absence d’existence légale de la commission fait obstacle à la nomination de nouveaux membres », lui a répondu la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, en lisant les fiches de la Chancellerie qui a trouvé un autre argument pour justifier cet enterrement. La circulaire du 12 septembre 2018 stipule que la création d’une commission doit être accompagnée de la suppression de deux commissions existantes. En clair, la commission du droit local fait les frais d’une rationalisation du nombre des commissions et d’une volonté de privilégier des modes de consultation du public « plus ouverts et plus modernes ».
« Une désinvolture du ministère »
Il y a quelques semaines, le collaborateur parlementaire d’Éric Dupond-Moretti avait déjà précisé à André Reichardt qu’il était « hors de question » de réactiver ladite commission. L’ancien président de la commission d’harmonisation du droit local voit dans ces refus « une volonté politique du gouvernement de ne pas s’embêter avec une commission dont les avis ne correspondent pas à ce qu’il voudrait faire ».
Le président de l’Institut du droit local, Jean-Marie Woehrling, y décèle « une désinvolture assez incroyable du ministère de la justice ». « On a fait lanterner tout monde », constate l’ancien magistrat administratif qui précise que le décret invoqué par le gouvernement « permet à la commission d’être renouvelée sans conditions particulières » et qu’« une circulaire n’est pas une loi ».
L’ancien sénateur socialiste Jacques Bigot a interpellé à plusieurs reprises le ministère de la justice, sous Nicole Belloubet et Éric Dupond-Moretti. « On ne m’a jamais dit que la commission est caduque », regrette son dernier président. Fin 2019, la Chancellerie avait demandé par mail aux membres de la commission s’ils étaient prêts à être renouvelés…
« Qui va suivre le dossier ? »
S’ils concèdent que la commission était rarement sollicitée, les juristes s’inquiètent néanmoins de sa disparition. Pour Jean-Marie Woehrling, « il y a une nécessité d’avoir un lieu pour intégrer le droit particulier d’Alsace-Moselle dans le régime juridique français ». Jacques Bigot s’interroge : « Qui va suivre l’évolution du droit local et surtout sa mise en œuvre ? »
Rarement sollicitée, la commission a émis des avis et des vœux sur l’informatisation du registre de commerce et celle du registre des associations qui sont en cours ; sur le projet d’éducation au dialogue interreligieux et interculturel pour lequel elle a exprimé un avis favorable unanime ; et sur la réforme constitutionnelle en proposant qu’elle intègre la possibilité de faire évoluer le droit local.
Jean-Marie Woehrling envisage aujourd’hui trois scénarios. Un. « Il ne se passe rien et les Alsaciens courbent le dos et laissent venir. » Deux. « Il y a une réaction forte au-dessus de la Chancellerie pour obtenir un changement, mais cela suppose qu’il y ait en Alsace les personnalités qui veulent le faire et qui en aient la capacité. » Trois. « Les élus locaux d’Alsace et de Moselle créent une commission de leur propre initiative, pour se faire entendre. »
Adrien Zeller, alors président de la Région Alsace, avait initié en 2002 le Conseil consultatif du droit local d‘Alsace-Moselle. Aujourd’hui, plusieurs voix suggèrent que la Collectivité européenne d’Alsace et le département de Moselle puissent porter juridiquement le sujet. Des amendements allant dans ce sens pourraient être déposés lors du débat parlementaire sur le projet de loi 3 D (déconcentration, décentralisation, différenciation).
« Un coup très dur porté à l’Alsace naissante »
Autre point d’interrogation : le projet de loi contre le séparatisme qui, selon Jacques Bigot, « mérite tout de suite une information sur les particularités du droit local », surtout le régime concordataire mis en place en 1802. Un point de vue partagé par MM. Reichardt et Woehrling qui pensent notamment aux mesures de surveillance des associations cultuelles.
« L’introduction partielle de la loi de 1905 dans le droit local n’est pas rassurante pour son avenir », analyse Jean-Marie Woehrling. « Ce serait un coup très dur porté à l’Alsace naissante », glisse André Reichardt. Le droit local est aussi un objet politique.