Faut-il toujours obéir à la maitresse ?

Développer l’esprit critique dès l’école primaire

Il ne faut pas être grand clerc pour établir le lien entre le niveau socio-économique et la réussite scolaire (Perry et McConney, 20 10; Sirin, 2005). Ainsi, de façon générale, les élèves des écoles de milieux défavorisés réussissent moins bien que ceux des écoles de milieux plus favorisés. Mais en plus, ces enfants vont réfréner leur esprit critique… Double, triple, quadruple peine ?

Une éthique à géométrie variable qu’il convient de travailler le plus tôt possible. Il s’agit de ne pas laisser les enfants les moins brillants et souvent les plus défavorisés développer plus difficilement leur esprit critique.

Voilà un beau sujet pour une montée en compétences des IDR et des PDR. Comment notre enseignement participe au développement de l’esprit critique dès la classe de CP ?

Présentation du dernier numéro de la « Revue Française de Pédagogie »

Article issu du « Café pédagogique »

Jusqu’où peut aller l’obéissance de jeunes écoliers , de maternelle et de CM1, aux ordres de leur maitresse ? Comment se forme leur éthique ? Comment réagissent bons et mauvais élèves, riches et pauvres, filles et garçons ? Dans le nouveau numéro de la Revue française de pédagogie (213), Sophie Richardot (Université de Picardie) et Marie Françoise Vermunt (ancienne IG) ont remonté les sources de la morale individuelle jusque dans ses premières années. Un voyage fort intéressant qui bouscule pas mal de représentations et qui montre que l’éthique est là très tôt.

Comment réagir quand la maitresse dérape ?

 

Comment des élèves appréhendent-ils les situations dans lesquelles une autorité légitime (en l’occurrence une enseignante) leur demande d’agir contre un tiers ? Comment articulent-ils leur sentiment d’obligation à obéir à l’adulte avec leur souci, éventuel, de ne pas nuire à autrui ? Il s’agit d’appréhender non  seulement dans quelle mesure ils sont capables de percevoir qu’une injonction est problématique moralement mais, également, se sentent habilités à ne pas la suivre. » Dans La Revue française de pédagogie n°213), Sophie Richardot et Marie Françoise Vermunt rendent compte d’une expérience menée auprès 238 élèves : 109 âgés de 5 à 6 ans et 129 de 9 à 10 ans, scolarisés dans 26 écoles, dont 20% issus de l’éducation prioritaire.

Les élèves ont du réagir à deux histoires courtes et justifier leur décision. Dans la première, un élève se trompe à l’école et la maitresse demande à un élève de lui donner une claque parce quil n’a pas su répondre. Il refuse de le faire. Dans la seconde, un élève est frappé par un autre dans la cour de récréation. La maitresse lui demande de donner une claque à l’élève qui l’a frappé. Et là aussi il ne le fait pas. Sophie Richardot et Marie Françoise Vermunt recueillent les décisions des enfants. Vont-il ou non obéir à leur maitresse et pourquoi ?

Naissance de la morale

Les résultats sont plus complexes qu’attendu. Les élèves de Cm1 anticipent davantage une désobéissance aux instructions de la maitresse que les plus jeunes. Pour ceux ci ce n’est d’ailleurs pas la peur d’une punition qui les fait obéir que l’idée que c’est la bonne conduite à tenir. Les enfants de milieu favorisé sont plus à même de désobéir que les moins favorisés. C’est le cas aussi des élèves de niveau fort alors que les élèves faibles sont davantage dans la soumission à l’autorité.

Ainsi on voit des règles morales se renforcer et s’imposer de la maternelle à l’école élémentaire.  » Les règles morales apparaissent finalement comme inaltérables (on ne tape pas quel que soit le contexte, la nature des relations entretenues avec les autres, l’intentionnalité de l’agresseur, la force du coup, etc.) », écrivent les autrices. « En s’affirmant, ce principe crée des conditions légitimant la désobéissance à l’autorité (on n’obéit pas quand cela porte préjudice aux autres) ».

Pourquoi les bons élèves sont-ils davantage prêts à désobéir ?

Leur conclusion interroge les enseignants sur le développement d’un sentiment éthique chez les enfants.  » Il faut voir dans la propension différenciée des enfants, en fonction du niveau scolaire, à plaider pour la désobéissance, la marque d’un sentiment d’auto-habilitation à remettre en question la parole du maître. Ce sentiment s’explique en partie par une socialisation primaire différenciée : les élèves de bon niveau proviennent majoritairement de milieux favorisés, dans lesquels les enfants sont souvent invités à exercer leur esprit critique vis-à- vis des messages délivrés par l’autorité tandis que les élèves en difficulté sont principalement issus de milieux défavorisés dans  lesquels la parole de l’autorité, fortement incarnée, est rarement contredite…. Mais la socialisation familiale n’explique sans doute pas tout. Les élèves bons scolairement, et pourtant de milieu populaire, se sentent manifestement investis également par ce sentiment d’auto-habilitation si on en croit les résultats de notre étude…  Les élèves, en fonction de leur position scolaire, s’attribuent donc plus ou moins de pouvoir critique, les uns considérant que, malgré leur résistance relative, ils ont une chance d’être écoutés s’ils négocient ce qui leur est demandé tandis que les autres s’interdisent de le faire (ou s’interdisent d’imaginer qu’ils puissent le faire) par crainte que leur comportement ne soit ni compris, ni jugé recevable ».

Source : Café pédagogique

Sophie Richardot et Marie-Françoise Vermunt, Faut-il toujours obéir à la maîtresse ? Soumission à l’autorité et autonomie de jugement chez les élèves de maternelle et d’élémentaire. Revue française de pédagogie n°213.

Le sommaire de la revue